Corrigé de dissertation: la Religieuse

Deux très bonnes copies, chacune organisée autour de la volonté de montrer que le roman de Diderot exploite une forme d’obscurité pour favoriser le pathétique. Cela revenait à illustrer la déclaration donnée dans le sujet en prenant pour base l’idée que La Religieuse vise à émouvoir.

Un premier plan :

  1. La mise en avant de la sensibilité

    1. Le système des mémoires

    2. Une femme

    3. L’ignorance de Suzanne

  2. Les larmes

    1. Solliciter le lecteur

    2. Silences du texte

    3. Scènes et tableaux

  3. Ambiguïté de l’œuvre

    1. Présence du corps : la souffrance

    2. Présence du corps : le désir

    3. « Trouble dans la narration »

Un autre plan :

  1. Le sensible au service de l’intelligible

    1. L’adresse au marquis

    2. Les larmes

    3. Les tableaux

  2. « Je suis une femme »

    1. Les démonstrations de Manouri par opposition au récit de Suzanne

    2. Le style coupé

    3. L’ignorance

  3. Le non-dit

    1. Qui est le père de Suzanne

    2. Le manuscrit d’Ursule

    3. Comprendre ce que Suzanne ne comprend pas

Autre proposition ; je reprends la citation :

« La clarté est bonne pour convaincre, elle ne vaut rien pour émouvoir. »

Une opposition, familière à Diderot et même obsédante pour lui, entre convaincre et émouvoir, la clarté étant mise dans le premier camp et étant absente du second. On peut suppléer ce quatrième terme, manquant :

clarté [obscurité]
convaincre émouvoir

Ainsi, si quelque chose est bon pour un côté et ne vaut rien pour l’autre, on en déduit que les deux côtés sont aux antipodes l’un de l’autre.

En l’occurrence, deux types d’action sur le lecteur : une action intellectuelle, servie par la clarté, et une action sensible, servie par d’autres moyens que la clarté (l’obscurité ?). D’un côté le rationnel, de l’autre le pathétique. On peut peut-être pousser encore : d’un côté, la philosophie (des Lumières, pourquoi pas ?) et de l’autre la peinture qui, par excellence, s’adresse aux sens.

[Noter que Diderot pose la question à la fin de la préface, dans sa Question aux Gens de lettres : susciter l’admiration ou l’illusion ? et Suzanne dans son post-scriptum : s’adresser à la bienveillance ou aux sens ?]

Dans le roman, valeur du pathétique ; le mot apparaît deux fois, à la fin de la scène de l’exorcisme et à propos du mémoire de Manouri. Le vicaire n’a pas le bonheur d’être sensible.

Aussi des bornes ! pleurer avec Madame***. Têtes faibles, têtes folles, tête perdue de Thérèse. Garder son bon sens.

Qu’est-ce qui égare Suzanne dans le discours de Le Moine ? sa confusion. Conséquence ? elle croit voir le diable.

Des efforts de clarté : ceci n’est pas une mystification ; se méfier des discours séducteurs ; le pathétique ne fait pas verser que des larmes ; la création des simulacres est un effet d’illusion et d’émotion.

Puissance dangereuse de l’imagination : la folie de Madame *** en est un effet.

Le système du réveil de la bête féroce : quand le diaphragme a le dessus.

Et « l’aveugle philosophie », qui ne voit rien et qui refuse même les images ?

Les comploteurs rient quand le marquis pleure. Heureuse lucidité du rieur ?

Faut de l’émotion dans l’art, pleurer à un conte que je me fais.

Récits ; constante menace que le marquis ne pleure.

Puissance de la vue, qui persuade mieux que tout (simulacres et Suzanne). Discernement : savoir où on se trouve ; voir ou ne pas voir le dispositif.

Et « le flambeau dans la caverne » ?

Différence entre la fiction et le mensonge. De la rationalité dans la fiction.

« Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement… »

La clarté, vertu française : nommer, ordonner, hiérarchiser.

On aimerait fabriquer un Diderot romantique, sublime, ténébreux.

Problématique : est-il bien assuré que, même dans un roman, le philosophe des Lumières vise exclusivement à émouvoir, en renonçant à la clarté ? à moins qu’il n’invente une lumière impossible, ténébreuse ?

Introduction

La Religieuse et le roman gothique

  1. L’évidence des ténèbres

    1. Le fonds du roman ; flambeaux, tortures, cris et chuchotements

    2. Peindre des tableaux pour émouvoir, répète Suzanne

    3. Le système du roman

  2. Jusqu’au nadir

    1. La Question aux Gens de lettres

    2. Alors on pleure

    3. Obsession, possession, puissance des simulacres : la bête féroce

  3. Pour un zénith

    1. Dénonciation de la mystification initiale

    2. A propos de « l’aveugle philosophie »

    3. « Le flambeau dans la caverne »

Conclusion

« L’inoculation » de la fiction ; il n’y a rien.